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Décès de la virologue et ancienne sénatrice liégeoise Lise Thiry à l'âge de 102 ans

 22 janvier 2024 09:55   Belgique


La scientifique et femme politique wallonne Lise Thiry qui est décédée à Waterloo le 16 janvier 2023 à l'âge de 102 ans, a été une figure de proue du féminisme, de la médecine sociale et de l'aide aux réfugiés et aux victimes du sida.

Née à Liège le 5 février 1921, elle est la fille de Marcel Thiry, sénateur du Rassemblement wallon mais également écrivain et poète. C'est lui qui la pousse à entreprendre des études scientifiques et elle choisit de se lancer dans des études de médecine. Elle sort diplômée de l'Université de Liège en 1946, un des trois femmes médecins sur 140 étudiants.

Lise Thiry entre ensuite à l'Institut Pasteur, où elle se penche plus particulièrement sur la virologie et la microbiologie. Elle fonde même le service de virologie en 1952. Elle a également cofondé le groupe d'étude pour une réforme de la médecine (GERM). "Nous ne possédions pas encore de bureau et nous nous réunissions chez l'un ou l'autre le soir, ce qui renforça sans doute notre solidarité, vers des amitiés profondes", se rappelait-elle en 2015 dans la revue des maisons médicales, Santé conjuguée. "Je nous revois par exemple, Maurice Goldstein rescapé d'Auschwitz, aux côtés d'Elie Vamos qui susurre de douces suggestions révolutionnaires... Et l'on prendra bientôt quelques décisions, grâce au dynamisme et à la persévérance du cardiologue Henri Cleempoel. Chez celui-ci, sous le flegme britannique se cachait un frémissement intérieur. Il me semble qu'il devint mon meilleur ami. Ce fut le cas, sans doute, pour plusieurs d'entre nous. Puis, bien vite se joindra à nous le gynécologue Willy Peers qui apportera sa fougue et son courage."

Elle rejoint ensuite l'Université de Bruxelles comme professeur. Elle y travaille sur les virus de la rage, de la poliomyélite et de l'herpès génital, avant de mettre au point un test de dépistage du sida. Elle est nommée présidente du Conseil scientifique de prévention du sida.

Virologue et militante

Parallèlement à sa carrière scientifique, Lise Thiry milite dans des partis politiques. Dès 1973, elle rejoint le Parti socialiste. Elle se bat surtout pour la dépénalisation de l'avortement. Elle est élue sénatrice en 1985 et reçoit le titre de femme de l'année. "A ce propos une anecdote: un jour, dont la date m'échappe au moment où j'écris, je suis élue 'femme de l'année'. Cela fait grand bruit, pour quelques jours, et mon premier souci c'est 'Mon dieu... Mais on va trouver cela ridicule au GERM ! '", explique-t-elle encore dans Santé conjuguée. "Aussi, ce mercredi soir de la réunion du GERM, je remonte à pas lents l'étroit escalier qui m'amène jusqu'au petit local. Courageuse, j'ouvre quand même la porte. Ils sont là... qui tous applaudissent en chœur. 'On est fier, on est fier! '. Ouf..."

Elle prend part, en 1990, à une commission chargée d'évaluer les effets de la nouvelle loi sur l'interruption volontaire de grossesse, qu'elle a participé à rédiger.

En 1994, Lise Thiry se présente aux élections européennes, sur une liste proposée par le mouvement Gauche unie, mais elle n'est pas élue.

Elle s'engage alors pour les droits des personnes en séjour irrégulier. Elle devient la marraine de Sémira Adamu, une jeune Nigériane morte étouffée par les deux gendarmes qui procédait à son expulsion. Lise Thiry écrit même un livre, "Conversations avec des clandestins", dans lequel elle témoigne du vécu de demandeurs d'asile.

Elle est également l'auteure d'ouvrages de vulgarisation sur les virus.

Elle est faite commandeur du Mérite wallon en 2011.

Après avoir rejoint le Rassemblement Wallonie-France pour lequel elle est candidate aux élections législatives en 2010, elle appelle à voter pour la liste PTB-Go! en 2014.

Un bâtiment du Campus Erasme de l'Université Libre de Bruxelles porte son nom depuis 2019. (Belga & P.J.)